Jann Halexander '20 ans de chansons' au Lincoln : le temps passe !

 


Vingt ans de chansons dans le quartier des Champs Elysées, avec le nom en grosses lettres sur la devanture, salle pleine, public enthousiaste (le mot est faible) et même retard de 30 minutes (comme c'est la règle pour les 'grands' artistes) : si ça ne ressemble pas à un sacre pour l'artiste Jann Halexander, on ne sait pas trop ce que c'est. Le son dans la salle n'est pas terrible, mais le spectacle est recherché : grand écran, visuels originaux, belles lumières mauves (un écho peut-être à l'une des premières chansons de l'artiste, 'L' Ombre Mauve', qu'il n'a pourtant pas chanté ce jeudi 30 mars).


 Le tour de chant est condensé, une heure d'énergie brute, avec des guitares électriques, il plane une ambiance  à la Higelin du début des années 80. Les musiciens sont au taquet et complices du chanteur. Pourtant le programme est plutôt décevant : Jann Halexander aligne ses classiques, qui sont loin d'être des tubes, à part peut-être 'A Table' , sorti en 2006 et 'Rester par Habitude', très bien classé sur tiktok en 2021 (et oui, ce sont les nouvelles références...). 

Il fut une période où Jann Halexander s'accompagnait au piano et charmait le public avec des chansons comme 'Déclaration d'amour à un vampire', 'J'Aimerais J'Aimerais', 'L' Amant de Maman'. Mais voilà, depuis quelques années, ces chansons, il ne les chante plus, ne les met plus en avant. Entre nous, on se lasse de 'C'était à Port-Gentil', agréable chanson certes mais qui fait penser à du sous -Cesaria Evora. Peut-être il faut être natif du Gabon pour pleinement savourer ce titre. 'Consolatio' pourrait vite être insupportable avec cette rengaine 'pourquoi vous plaignez-vous, ça pourrait être pire'. Heureusement, les cabotinages des musiciens sauvent ce moment qui se veut le clou final. 

Heureusement il reste les fragilités. Quand Jann Halexander redevient Jann né Aurélien, qu'il se retourne et voit une image de lui enfant sur l'écran, et qu'il bafouille, cherche ses mots avant de réciter 'Le Mulâtre', sa profession de foi. Alors là il n'est plus la caricature de lui-même. Le plus beau moment, le plus émouvant, le plus tendre, c'est lorsqu'il chante 'Le fantôme du 5ième étage', la seule chanson vraiment originale du tour de chant, parue sur l'album 'Je suis revenu de Fougeret' (2017). Un album consacré à son périple dans le fameux château hanté des Deux-sèvres. Un simple moment piano-voix, aérien, délicat. Fragile. C'est cette fragilité qu'on recherche et pas forcément l'assurance d'un chanteur de variété (d'origine africaine, certes, c'est suffisamment rare  pour être souligné) flanqué d'une veste rouge brillante à laquelle il ne manquait plus que les paillettes. L'énergie était présente tout au long du spectacle, parfois un peu trop. On se serait passé de la énième reprise un peu pompier de 'Soleil' de Catherine Ribeiro. On applaudit à la nouvelle version rock nerveuse, tendue du 'Poisson dans mon assiette', dont le thème reste hélas actuel. 





Jann Halexander en ce jeudi 30 mars assume de chanter pour son public, lui donne tout. Il se confie entre deux chansons, ne cache pas la fragilité de son parcours, les hauts, les bas. C'est un artiste qui s'adapte : il a commencé à chanter avant l'existence de myspace, facebook, tiktok, youtube, il précède  Stromae, Gaël Faye mais n'appartient à aucune mode, aucun courant, voire il fuit les modes, les courants et  a choisi le 'splendide isolement', qui lui valut le qualificatif de 'marginal'. Mais quoi de plus libre qu'un marginal ? 


Set-list du spectacle

1-  J' avance jusqu'à maintenant 
2- Moi qui rêve
3- Rester par habitude
4- Aucune Importance
5- Le poisson dans mon assiette
6- A Table
7- C'était à Port-Gentil
8- Soleil (reprise de Catherine Ribeiro)
9- Le Mulâtre 
10- L' Abduction
11- Le fantôme du 5ième étage 
12- Consolatio 
13- Mesdames et messieurs je vous aime


Piano : Bertrand Ferrier
Guitares : Claudio Zaretti et Sébastyen Defiolle


Anecdotes

. Certains visuels, dont le fameux poisson, sont réalisés par la mère de l'artiste, Anne-Cécile Makosso-Akendengué, également écrivaine ('Ceci n'est pas l'Afrique', l'Harmattan, 2010)

. Le spectacle a bénéficié du soutien de l'association culturelle 'Les salons d'Ima Rose', très offensive dans la défense d'une certaine chanson poétique.



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